Cette hypothèque d'une technocratie, en
majeure partie étrangère, destinée à empiéter sur la démocratie française
dans le règlement de problèmes qui commandent l'existence même de notre
pays, ne pouvait évidemment faire notre affaire dès lors que nous avions
résolu de prendre notre destin entre nos mams. Qui peut ignorer que l'idée
de grouper, au point de vue éco- nomique et, j'ajoute, politique, les Etats
de l'Europe occidentale est la nôtre depuis longtemps? Il n'est, pour le
constater, que de se reporter aux déclarations que j'ai faites à ce sujet au
cours et au lendemain de la guerre mondiale, alors que personne n'en
parlait, ensuite en de multiples et solennelles occasions, mais aussi à tous
les actes effectivement accomplis dans ce but par mon Gouvernement.
Pour ce
qui est de l'économie, nous tenons en effet pour vrai que l'ajustement
organisé des activités respec- tives des pays situés de part et d'autre du
Rhin et des Alpes répond au fait qu'ils sont étroitement des voisins, qu'au
point de vue de la production ils se trouvent à la fois analogues et complé-
mentaires et qu'il est conforme aux conditions de notre époque de constituer
des ensembles plus vastes que chacun des Etats européens. En outre, la
France, qui est en plein essor et dont la monnaie est devenue l'une des plus
fortes du monde, a toutes raisons de renoncer à son ancien protectionnisme
et de s'ouvrir progressivement à la concurrence.
C'est pourquoi, depuis sept
ans, nous avons très activement aidé à bâtir la Communauté économique, créée
théoriquement en 1957 mais qui, jusqu'en 1959, n'existait que sur le papier
parce que le déficit chronique de la balance française des paiements
empêchait l'organisation de prendre le départ autrement que dans des
discours. Mais, ce que nous avons voulu hier et ce que nous voulons
aujourd'hui, c'est une Communauté qui soit équitable et raisonnable.
Equitable: cela veut dire que les produits agricoles, compte tenu des
conditions qui leur sont propres, doivent entrer dans le Marché Commun en
même temps que les produits industriels.