Il ne s'agit point, en effet, d'édifier de toutes pièces une construction
idéale répondant abstraitement à tous les besoins logiques d'une vaste
ébauche de mécanisme fédéral européen, mais, en se gardant au contraire de
toute anticipation de l'esprit, de s'attacher pratiquement à la réalisation
effective d'un premier mode de contact et de solidarité constante entre
Gouvernements européens, pour le règlement en commun de tous problèmes
intéressant l'organisation de la paix européenne et l'aménagement rationnel
des forces vitales de l'Europe.
Le Gouvernement de la République attacherait du prix à recevoir avant le
15 juillet la réponse des Gouvernements consultés, avec toutes observations
ou suggestions spontanées dont ils croiraient devoir accompagner leur
communication. Il exprime le ferme espoir que ces réponses, inspirées du
large souci de faire droit à l'attente des peuples et aux aspirations de la
conscience européenne, fourniront les éléments d'entente et de conciliation
permettant d'instituer, avec un premier embryon d'organisation fédérale, le
cadre durable de cette coopération européenne dont le programme pourra être
arrêté à la prochaine réunion de Genève.
L'heure n'a jamais été plus propice ni plus pressante pour l'inauguration
d'une œuvre constructive en Europe. Le règlement des principaux problèmes,
matériels et moraux, consécutifs à la dernière guerre aura bientôt libéré
l'Europe nouvelle de ce qui grevait le plus lourdement sa psychologie,
autant que son économie. Elle apparaît dès maintenant disponible pour un
effort positif et qui réponde à un ordre nouveau. Heure décisive, où
l'Europe attentive peut disposer elle-même de son propre destin. S'unir pour
vivre et prospérer : telle est la stricte nécessité devant laquelle se
trouvent désormais les Nations d'Europe. Il semble que le sentiment des
peuples se soit déjà clairement manifesté à ce sujet. Aux Gouvernements
d'assumer aujourd'hui leurs responsabilités, sous peine d'abandonner au
risque d'initiatives particulières et d'entreprises désordonnées le
groupement des forces matérielles et morales dont il leur appartient de
garder la maîtrise collective, au bénéfice de la communauté européenne
autant que de l'humanité.